Je reviens un peu sur cette question du temps dans l'appréciation du taux de réussite des traders retail. Au risque de me répéter, le temps est une affaire cruciale.
Prenant un exemple explicite, imaginons une étude qui concerne des patients atteints d'un cancer (celui-ci étant diagnostiqué sinon le patient n'est pas dans la stat). On peut en guérir ou pas. Ca peut aller vite ou pas. Le stade peut être avancé ou pas. Maintenant regardons l'étude suivante : d'après un échantillon représentatif nous avons observé le nombre de décès ce mois. Conclusion de l'étude :
De nos jour, on meurt très peu du cancer.
Ridicule n'est-ce pas ? Cependant c'est ce à quoi on a droit concernant la plupart des commentaires qui tournent autour du taux de réussite retail ou encore de la question des DD. Dans la série les chiffres on leur fait dire ce qu'on veut, selon une démarche qui est en fait idéologique on peut affirmer tout et son contraire: Un trader passionné a besoin de se rassurer concernant ses chances de devenir un jour profitable, un broker a besoin de rassurer ses clients et prospects, un trader qui a jeté l'éponge a besoin qu'il soit dit que de toutes façon c'était impossible de gagner.
Il y a un peu la même foutaise concernant les débats sur le max DD. Deux erreurs entachent la plupart du temps les raisonnements sur le DD. Tout d'abord on parle du Max DD. Donc un évènement. Pas 10 ou 30 mais un seul. Un truc dont on ne peut rien dire (ou presque). La plupart ne peuvent s'empêcher de broder plus qu'à leur tour dessus. Mais ce n'est pas le plus important. Le temps est souvent oublié. Qui parle de 25% de DD,
bon, alors c'est acceptable quoi. Ce n'est pas la question. La question c'est 25% de DD en 6 mois ou en 10 ans ?
Bien sûr si la théorie économique n'est pas parfaite, elle décrit néanmoins les choses grosso modo. Un DD de 25% en 6 mois - s'il s'avère qu'il est représentatif du risque futur et que l'enchainement du hasard des résultats d'une stratégie soient aléatoires (n'objectez pas sur ce point car en pratique ça va être pire) - un DD de 25% en 6 mois dis-je, c'est en 5 ans un DD tôt ou tard probable de 79% (si on ne débranche pas).
C'est donc ce qu'on appelle la ruine assurée. Personnellement, concernant le risque de ruine je prend un DD de 50% (et non pas 100% ou 90%). Parce qu'à 50%, tous les clients se sont barrés, et sur le compte propre il n'y a plus un kopec. Quand bien même on aurait débranché et remplacé la strat par d'autres, ce n'est pas la question. La strat, ce qu'elle a fait, sont intervention sur le compte et les fonds qui lui ont été alloués, cette strat à obtenue la ruine. Sur 5 ans, cette ruine est assurée. Bien sûr ça peut intervenir avant.
Il se trouvera toujours des crétins pour montrer des résultats mirobolants tout en expliquant qu'un DD de 30% (sur un historique de moins d'un an), c'est jouable. C'est juste que la ruine est assurée concernant cette strat. Bah, un détail sans doute.
On pourrait objecter que oui mais non, si ça tourne au vinaigre, on débranche la strat et on en mets une qui gagne (ou qui vient de gagner dans la période récente devrait on dire... zut elle n'était pas branchée).
Sauf que ça ne marche pas comme ça. Le trading d'EC ne marche pas (ou presque pas). Le TSSF non plus. Il n'y a pas, le plus souvent de valeur prédictive au fait qu'une stratégie vient de surperformer ou de sous performer. C'est une fois survenu la ruine qu'il devient patent qu'il eut fallu débrancher la stratégie.
NB : Ces raisonnements sont valables tant en EA qu'en trading manuel systématique. Lorsqu'un trader se mets à perdre pas mal après une faste période, il est impossible de distinguer une mauvaise passe due au hasard d'une retournement durable et plus ou moins définitif du fait que c'en est fini pour cette stratégie. (Sauf bien sûr si les raisons, la compréhension du mécanisme délétère a été clairement identifié ET - c'est ce
ET le plus dur, le reste c'est fastoche - ET dis-je que l'on dispose d'un pouvoir de prédiction sur les causes identifiées).
On pourrait objecter, mais si, il suffit de dégager bien avant la ruine. Sauf qu'ainsi on vend quand la strat est en bas et on la rachète quand elle est haute (la preuve que ça va mieux). Il semblerait que cette démarche ne soit pas gagnante (hihi).
En conclusion, je dirais qu'il semble qu'une très grande majorité des traders retail soit acculée à pratiquer des leviers beaucoup trop élevés et à prendre beaucoup trop de risques. Il y a deux fourrier de cet état de fait, la sous capitalisation d'une part, et d'autre part une méconnaissance crasse des risques, des processus aléatoires, de l'évaluation des risques de DD encourus à moyen terme.
Concernant la sous capitalisation, c'est un peu dommage d'en constater la cause, car l'idée est de monter en compétence, de se faire la main, de progresser. Il n'y a donc aucune raison de prendre 10 fois plus de risque au prétexte qu'il ne s'agit que de 10 000€ alors qu'on en prendrait infiniment moins avec 100 000. Je ne vois pas l'intérêt de l'exercice. Comme de toutes façons, on ne peut pas vivre du trading en compte propre avec 1000, 10 000, ni même 100 000 €, je ne vois pas l'intérêt de la manip. Des objections évoquant quelques rares cas ? Anecdotique ou biais du survivant, c'est sans intérêt.
La deuxième cause : le manque d'alpha. Est-ce qu'un trader professionnel aurait plus de compétences qu'un trader amateur retail ? Le monde entier se le demande. Mais rassurez vous ,le broker va vous éduquer.
La manque d'alpha (stratégie pas assez efficace, si tant est qu'il y en ait qui le soient). Ce manque d'alpha provoque une suspicion envers un truc qui ne ferait que rivaliser avec le Livret A. Genre 2% par an avec du max DD de 4%, c'est vraiment crétin. C'est pour les nuls et les pisse froid. C'est quand même pas compliqué, il suffit de tout multiplier par 10. On fait donc 20% par an, avec du DD de 40% (on a vu plus haut que c'est jouable - hihi)...
Ce n'est pas tant le manque d'alpha la question, mais plutôt l'incertitude dans son évaluation ainsi que l'incertitude sur le risque pris.
Contrairement à ce que j'ai cru comprendre de la prose d'Ulysse (à laquelle je souscris majoritairement), les marchés ne sont que presque efficients et il y a de l'alpha qui traine à droite à gauche. C'est d'ailleurs mécaniquement obligatoire, sinon quand il n'y a plus rien à gratter, les artisans de l'efficience (on pense en particulier aux arbitragistes, cependant je pousse le bouchon à considérer que tout est arbitrage), ces artisans donc, jettent l'éponge et laissent au marché la possibilité de réinstaller la non efficience en question.
Quand bien même il y aurait peu ou prou d'inefficience à gratter - le trader retail va être en but à deux facteurs de ruine assurée :
- Le manque d'alpha de sa démarche
- Un prise de risque inconsidérée.
Dans quelques papiers ultérieurs, je vais m'attacher à épingler les promoteurs, ceux qui amplifient cette situation.
Crétins ou salauds ? Le lecteur fera le tri.