« On paie le vice de construction de l'euro... »
Par Jacques Delors(*)
L'euro est l'élément le plus spectaculaire de la construction européenne. C'est aussi le plus concret, compréhensible par tous. Les citoyens de 16 pays - 325 millions d'Européens - en ont dans leurs poches. S'il lui arrivait un malheur, ce serait dramatique pour l'Europe.
L'euro a permis une performance économique plus qu'honorable pendant dix ans : de 1989 à 2008, l'eurozone a affiché une croissance de 2,1% en moyenne, et a créé 16 millions d'emplois net, soit une progression de 15%. La monnaie unique a aussi renforcé l'intégration de nos économies, avec des échanges internes à la zone qui représentent à présent un tiers du commerce extérieur de ses membres, contre un quart auparavant.
Mais j'ai toujours dit qu'on ne pouvait pas gérer une monnaie commune uniquement à travers des critères budgétaires. Qu'il fallait que l'Union soit monétaire, mais aussi économique et financière. Les pays membres ont refusé mes propositions en 1989 (rapport Delors), puis en 1997, pour établir à coté du pacte de stabilité budgétaire un pacte de coordination des politiques économiques, ce qui aurait permis à l'eurozone de traiter de toutes les dimensions de l'activité, y compris sociales. C'est ce « vice de construction » que l'on paie aujourd'hui.
Et c'est aussi en raison de cette lacune que l'euro protège, mais ne stimule pas. A cause des absences - ou des lenteurs de réaction du Conseil de l'Euro, la protection elle-même est tombée... On s'est contenté de ravauder la maison, alors qu'il fallait consolider ses fondations.
(*) Ancien président de la Commission européenne, ancien ministre de l'Economie.
« On paie le vice de construction de l'euro... »
Modérateur : Administrateurs
